Une chute historique d’activité pour le Bâtiment
Emmanuel Roy, chargé de mission Technique et Fiscal - BTP Isère
Bilan 2020
L’année 2020, au plan national, se solde pour le Bâtiment sur une chute historique d’activité à -15,2 % hors effet de prix. Il est à noter que, sans le confinement du printemps et l’arrêt massif des chantiers, le recul eût été de -4,6 %. L’amélioration-entretien qui s’affiche à -8,8% a moins souffert, du fait de chantiers en majorité plus petits et avec moins de co-activité. Le neuf, quant à lui, s’effondre de 22,5 % sans réelles disparités entre le logement, -22,3 %, et le non résidentiel, -22,8 %.
Malgré ce contexte, avec l’appui des dispositifs (activité partielle, Fonds de solidarité, PGE et annulation des charges patronales), l’appareil de production montre une forte résilience, avec des pertes d’emploi limitées à 10 000 postes, uniquement dans l’intérim. Quant aux marges, malgré un redressement depuis la fin du premier confinement, elles restent en-deçà de leur niveau d’avant-crise. En Isère, en glissement annuel, à fin novembre, les logements commencés limitent leur recul à 4,6 %. Par contre, les logements autorisés chutent de 20,2 %, le collectif est particulièrement touché avec une baisse atteignant 23,9 %. Les effets de la chute des traitements des dossiers de PC, pendant le premier confinement, sont d’ores et déjà présents.
Concernant les Travaux Publics, à fin octobre en cumul depuis le début de l’année, le secteur a perdu 13,9 % de chiffre d’affaires et, sur 12 mois glissant, l’activité s’affiche en nette diminution à hauteur de -9,4 %. La perte globale de chiffre d’affaires devrait s’élever à 15 % par rapport à 2019. Quant à la prise de commandes, synonyme du manque appels d’offres, elle chute de 22,8 %. Le volume d’heures travaillées illustre également la situation avec -15,7 % pour les ouvriers permanents et -34,5 % pour les intérimaires. Le décalage du second tour des élections municipales, couplé à la crise sanitaire, a provoqué une situation sans précédent. En effet, la comparaison entre les deux années électorales 2014 et 2020 fait apparaitre une amplification de 36 % de la baisse des appels d’offres sur le mois d’avril. Elle s’établissait à -34 % en 2014 contre -70 % en 2020. Depuis, ce décalage d’environ 30 % s’est installé et devrait encore perdurer… Pour notre département, la tendance est la même et ce manque d’activité se traduit déjà par un nouveau recours à l’activité partielle pour plusieurs entreprises.
Perspectives 2021
Compte tenu du point très bas de 2020, selon les prévisions de la FFB, l’année 2021 affichera un rebond d’activité de l’ordre de 11,3 % en volume, mais cela ne compensera pas la chute initiale, le niveau 2021 ressortant inférieur de 5,6 % à celui de 2019 (-8 Mds en euros constants). Le logement neuf et le non résidentiel devraient progresser respectivement de 14,6 % et 11,6 %, mais ils seront en retrait de 10,9 % et 13,8 % par rapport à 2019. Il faut y voir les conséquences des fortes baisses relevées depuis le premier confinement sur les mises en chantier et les PC. Ainsi en 2021, seuls 328 000 logements sortiront de terre contre presque 410 000 unités en 2019. La baisse de la demande, conséquence de la crise sanitaire ainsi que les surcoûts relatifs à la vague de nouvelles règles et normes s’imposant en 2020 expliquent ces mauvais chiffres. Seule l’entretien-rénovation, grâce aux 3,5 Mds d’euros d’aides publiques prévues par le plan de relance sur le segment de la rénovation énergétique, devrait retrouver son niveau de 2019.
Avec une commande publique toujours très dégradée, les prochains mois seront très difficiles pour les entreprises de Travaux Publics. La mobilisation des collectivités locales, et plus largement de l’ensemble des acteurs publics, est essentielle pour le redémarrage de l’activité, car seule la concrétisation rapide de la relance des investissements partout dans les territoires peut encore infléchir la tendance baissière et redonner de la perspective aux entreprises de TP. Les perspectives pour 2021 sont donc encore très incertaines avec, de surcroit, les élections cantonales et régionales à venir.
Le retard et « le manque à gagner », liés au premier confinement, ne seront pas rattrapés. Des années seront nécessaires pour compenser cette chute brutale et retrouver un niveau de chiffre d’affaires équivalent à 2019. Les trésoreries ont été une fois de plus impactées et les propositions de décalage de remboursement des PGE reflètent en partie leur état actuel.
L’urgence concerne à ce jour les entreprises de Travaux Publics qui ont besoin rapidement de se relancer car la chute du nombre d’appels d’offres en 2020 les a impactés dès le mois d’avril et l’écart avec leur moyenne à long terme reste toujours présent. Elles ont un réel besoin de volume dès maintenant.
Concernant le Bâtiment, le manque de dossiers commence à se faire ressentir mais l’inertie du secteur fait que l’inquiétude déjà présente se ressentira dans les faits à partir du 3e trimestre 2021.
Les carnets de commandes, encore portés par l’inertie pour le Bâtiment, se maintiennent à hauteur de 8 mois depuis juillet dernier. Ceux des entreprises artisanales se stabilisent pour l’instant à 4 mois. Toutefois ces moyennes sont en dessous de leur niveau à long terme.
Les carnets de commandes des entreprises de Travaux Publics continuent de se vider, ils passent en ce début janvier sous la barre des 3 mois, ce qui ne s’était plus produit depuis avril 2017.
Dans ce contexte de visibilité réduite, la tension sur les prix s’accentue à nouveau.
Préoccupations et faits marquants
Le Bâtiment devrait connaître un repli de l’emploi de 4,1 % soit 50 000 postes en équivalent temps plein. Pour enrayer cette chute, trois mesures d’effet rapide sont proposées par la FFB. La première, en faveur des primo-accédants, correspond à un crédit d’impôt de 40 % sur les annuités d’emprunts pendant cinq ans. La seconde vise à accompagner la mise en place de la nouvelle réglementation thermique RE 2020, dont la version actuelle est fortement contestée par l’ensemble de la filière, en portant le crédit d’impôt précédent à 50 %, enfin, toujours pour tenter d’absorber les surcoûts liés à la RE 2020, la majoration de moitié de la réduction d’impôt en « Pinel ». La réforme de la fiscalité locale et la suppression de la taxe d’habitation, même annoncée comme compensée à l’euro près, ainsi que le décalage des élections cantonales et régionales, risquent de créer un certain attentisme, voire une baisse des investissements chez les acteurs locaux, accentuant d’autant plus l’incertitude des entreprises de Travaux Publics.
La ZFE reste une préoccupation majeure des entreprises de BTP car les véhicules à vignette Crit’Air 3 seront interdits en 2022. En effet, l’année 2022 sera une échéance très importante puisque qu’elle entrainera le renouvellement de près de la moitié des parcs poids-lourds des entreprises. Ce qui, à ce jour, s’avère impossible techniquement car l’offre des constructeurs est encore très faible et elle n’est pas adaptée aux métiers du BTP. Malgré les aides proposées cette étape s’annonce très dure à franchir d’un point de vue financier au regard de la crise actuelle.