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Emmanuel Roy, chargé de mission Technique & Fiscal FBTP Isère

"Logement : l’abandon incompréhensible du Gouvernement"

Bilan 2023 : Les acteurs de la filière n’ont eu de cesse depuis des mois d’alerter le gouvernement sur la crise du logement neuf et désormais du logement de manière globale. Cette crise pèse aussi, d’ores et déjà, sur la croissance française comme l’illustrent, depuis la mi-2022, les comptes de la Nation publiés par l’Insee. Des acteurs sont en difficultés et le mouvement devrait continuer à s’amplifier si rien n’est fait. Car force est de constater que la politique à l’œuvre est construite par à-coups budgétaires et couperets cinglants, sans vision globale, stigmatisant tout un secteur essentiel à la cohésion sociale et à l’économie.

 

Les chiffres en sont le reflet. A l’échelle nationale, pour le Bâtiment, les mises en chantier ont chuté de -21,8 % et les autorisations (permis de construire) de -26,5 % sur 12 mois glissants à fin octobre. La production en non résidentiel neuf résiste, à +0,4 %, mais les surfaces commencées connaissent leur plus faible score depuis 1986 avec 22,7 millions de m².

 

Seule l’amélioration-entretien ressort en hausse de 2,6 %, portée par la rénovation énergétique qui s’affiche à +3 %. L’Isère suit la tendance nationale avec une baisse des logements commencés à hauteur de -13 % et une chute des permis de construire (PC) de -34,4 % sur 12 mois glissants à fin novembre, le collectif allant jusqu’à -37,6 %. Traduit en unités, cela signifie 1 378 PC en moins sur le département et 126 sur le territoire de Grenoble-Alpes Métropole.

 

Concernant les Travaux Publics, l’activité a été stable sur le plan national portée par le Grand Paris et les Jeux Olympiques. L’effet mi-mandat des municipales devrait être positif mais reste contrasté selon les régions. La crise immobilière s’est déjà fait ressentir et affecte les investissements de la clientèle privée et des départements.

 

L’activité iséroise Travaux Publics ne se trouve pas dans la même dynamique puisque les carnets de commande sont en baisse constante depuis début 2023. L’effet mi-mandat des municipales est resté très timide et la crise immobilière s’installe durablement. Toutefois il est à noter que le Département a maintenu et maintiendra encore son niveau d’investissement à hauteur de 400 millions d’euros comme les années précédentes.

 

Perspectives début 2024 : Les perspectives nationales pour 2024 sont encore peu favorables pour le BTP malgré une stabilisation, voire une très modeste baisse attendue des taux d’intérêt. La montée du chômage et la faible croissance (+0,4 %) se révèleront peu propices à des investissements à long terme. La dégradation de l’environnement institutionnel viendra renforcer cette lame de fond avec les amputations annoncées sur le PTZ et la fin programmée du Pinel en 2025, mais aussi la réforme déstabilisante de MaPrimeRenov’, véritable usine à gaz, synonyme de décalage, voire d’abandon de projets. En conséquence, 2024 marquera l’entrée en récession du Bâtiment, avec un recul de 5,5 % du chiffre d’affaires en volume. Plus précisément, l’activité en logement neuf plongera de 21,3 % avec la poursuite de l’effondrement des mises en chantier à -15,9 %, qui tomberont à un plancher historique de 241 000 unités, comparable à la crise du début des années 90. Les PC enregistreront un recul de 12,1 % consécutif à l’écroulement des ventes. S’agissant du non résidentiel neuf, le recul s’établira à hauteur de -6 %, alors que les surfaces commencées et autorisées s’afficheront respectivement à –1,1 % et +1,6 %. Enfin, l’amélioration-entretien ralentirait à +1,6 % eu égard à la réforme de MaPrimeRenov’ et à la chute de 20 % des transactions des logements anciens. Par voie de conséquence, le bâtiment perdra 90 000 emplois ETP en 2024.

 

L’activité des Travaux Publics s’annonce plus stable avec une situation favorable en matière d’endettement des collectivités locales qui suggère une poursuite de l’effort d’investissement. La progression des dépenses des collectivités locales pour 2024 est estimée à +5 % en valeur. Cette évolution est positive mais moindre que celle attendue à deux ans des élections (+8 % en moyenne sur les précédents cycles électoraux). Pourtant cette potentielle dynamique pourrait être contrariée par deux facteurs. Le premier est celui de l’impact de la crise immobilière sur les droits de mutations qui pourrait amener à un recul des dépenses des départements. La chute des droits de mutations, qui représentent 20 % des recettes de fonctionnement des départements s’établit à -21 % en cumul sur les dix premiers mois de 2023. La baisse d’activité liée au logement neuf serait de l’ordre de -7 % en 2024. Le second est l’arrêt des travaux en Ile de France pendant une large période autour des jeux olympiques, ce qui pourrait entrainer une perte d’activité pouvant atteindre les 800 millions d’euros à l’échelle nationale.

 

Enfin, deux enjeux macro-économiques conditionnent l’activité du BTP. Tout d’abord les incertitudes sur le marché de l’énergie restent fortes au regard de la situation géopolitique qui pourrait raviver les tensions inflationnistes. De plus, la stabilisation des taux d’intérêt à haut niveau contraint l’emprunt et impacte la dynamique d’investissement des collectivités, des entreprises et des ménages.

 

Moral des dirigeants : moyennement pessimistes.

La Profession n’est pas résignée, les entrepreneurs de BTP sont lucides sur la crise. En effet, la politique menée par le Gouvernement ne prend pas au sérieux la filière de la construction et, tout miser sur la rénovation sans réelle politique globale du logement ne permettra pas d’inverser la tendance de récession.

 

Les carnets de commandes du gros œuvre, encore portés par l’inertie, s’établissent à 7,7 mois en moyenne. Ils enregistrent une baisse de 13,2 % sur un an. Le second œuvre ne progresse plus et les carnets de commandes devraient également partir à la baisse. En Travaux Publics, les carnets de commandes sont passés sous les trois mois en octobre dernier et les premières 4 tendances de janvier laissent entrevoir une nouvelle baisse.

 

Préoccupations et faits marquants : La loi de finances, comme les années précédentes, préoccupe la Profession. En effet, une nouvelle fois les dispositifs fiscaux ont été « retricotés », rabotés, changés. Ce manque de stabilité va, à n’en pas douter, créer de l’incertitude et décaler les prises de décisions.

 

Sur le plan local le fait marquant de 2023 est sans conteste l’arrêt contraint des chantiers à la suite des menaces et tentatives de racket qu’ont subi les compagnons des entreprises. Des individus cagoulés par leurs agissements hors-la-loi pénalisent non seulement les entreprises, mais également la collectivité et les habitants des quartiers où se situent les travaux.

 

Enfin, dans ce contexte global, il est à noter un allongement des délais de paiement, tant en marchés publics qu’en marchés privés, ce qui ne sera pas sans conséquences sur les trésoreries.